L’amicale des SOR de Kaysersberg et environs vous font découvrir le musée de Turckheim et la prise de la poche de Colmar en mars 1945
En ce vendredi 8 juin 2018, l’amicale des SOR de Kaysersberg a profité du beau temps règnant sur l’Alsace pour effectuer une sortie.
Cette sortie se déroula au sein de la ville de Turckheim. Pourquoi Turckheim ? Il s’y trouve le Musée Mémorial des combats de la Poche de Colmar.
Petit rappel historique :
La bataille de la Poche de Colmar se déroula lors de la libération de l’Alsace entre septembre 1944 et mars 1945.
La Poche en elle-même se forme fin novembre – début décembre 1944 suite à la l’offensive « Nordwind » de Hitler dans les Ardennes, au retrait de certaines forces américaines et la mise en arc de cercle de Mulhouse au sud à Strasbourg au nord. Les français voulaient défendre Strasbourg récemment libérée alors que les américains voulaient se retrancher sur une ligne de défense sur la crête des Vosges.
La neige et le froid – un des plus rudes – s’alliant aux combats pour faire des victimes mais aussi rendre plus difficile l’aspect logistique des belligérants. En effet le pipeline venant de Marseille était gelé, il restait tout au plus 24h de carburant au lancement de l’offensive sur la poche, sachant que la 1e armée avait besoin de 7 000 obus et de 2 000m3 de carburant.
Il en revenait à la 1e armée commandée par de Lattre de Tassigny ainsi que la 2e DB de Leclerc et la 36e DI US du général Devers ainsi que de la 14e DB et d’une partie de la 12e DB US, d’affronter la XIXe armée allemande du général Rasp, dépendant de Heinrich Himmler. La nomination de ce dernier – sans expérience stratégique ou militaire – est un traquenard de Martin Bormann et de l’OKW pour se débarrasser de Himmler du quartier général du Führer. Himmler dirigea le groupe d’armées Oberrhein dont le QG est à Triberg en Forêt-Noire.
Les 63e AK, 64e AK, 90e AK, 708e VGD, 198e ID, 245e ID, 256e ID, 361e VGD, le 280e bataillon de canons d’assaut, plusieurs régiments SS, des bataillons provenant du Wehrkreis V et le bataillon de protection personnel de Himmler constituent la XIXe armée- les premiers nommés ont vu leurs effectifs se réduire depuis le début novembre.
Le général Rasp divisa la XIXe armée en deux corps d’armées : le 64e AK au nord sous les ordres du général Thumm et le 63e AK sous les ordres du général Abraham au sud. Elle aligne 8 divisions d’infanterie mais avec des effectifs comme dit au dessus réduits et engagés dans des combats depuis plus de deux mois ( seule la 2e division de montagne qui arrivait de Norvège était fraiche). Elle manque également de blindés : la 106e PzBrig Feldherrnhalle, la 280e Sturmgeschûtz Abteilung et la 654e panzerjäger Abteilung ne peuvent aligner que 189 chars et canons d’assaut qui sont supérieurs au matériel américain. En tout et pour tout sur 70 000 allemands présents dans la poche, seuls 22 500 sont des combattants.
Les combats seront très violents –comme on le verra à Jebsheim surnommé le « Stalingrad alsacien », les pertes élevées des deux cotés. La mort ne fait pas de distinction d’uniformes.
Pour preuve le 30 janvier 1945, le CC2 ne compte plus que 17 Sherman en service sur 53 ! Le 31 janvier, coté allemand le 64e AK n’a plus que huit canons d’assaut et de neuf Jagdpanther et le 63e AK n’a plus que sept canons d’assaut.
En janvier 1945, des troupes supplémentaires vont être affectées aux alliés – la 28 DI US, la 75e DI US, la 3e DI US, la 28e DI US plus la couverture aérienne du 12e TAC et du 1e corps aérien français- soit un total de 7 divisons d’infanterie, 3 blindées, 54 groupes d’artillerie.
Les civils alsaciens ne sont pas en reste loin de là…ils vont payer un lourd tribut à la libération de leur terre – neige, froid, combats, mort, destructions, manque de nourriture… -.
A coté des pertes, il faut y ajouter les destructions.
En effet, Sigolsheim, Bennwihr, Mittelwihr sont détruits à 100%, Ostheim à 92%, Ammerschwihr à 90% pour le Haut-Rhin. Gambsheim, Drusenheim, Hatten, Herrlisheim entre 75 et 95% pour le Bas-Rhin.
2 000 immeubles et 40 000 sinistres dans le Haut-Rhin pour 50 milliards de francs (1948) et 12 000 immeubles pour 90 milliards de francs dans le Bas-Rhin, sans compter les voies de communication, les dégâts mobiliers, les ouvrages d’art, les bâtiments industriels. Et les 58 000 hectares à déminer…et qui feront encore de nombreuses victimes.
Les civils mais aussi les militaires ont payé de leur vie, de leur sang la libération de l’Alsace et réduction de la poche qui a été chèrement acquise.
Du 20 janvier au 9 février 1945, la 1e armée compte 1 542 tués, 7 343 blessés, 2 962 disparus/prisonniers sur un total pour la libération de l’Alsace de 6 022 morts, 22 259 blessés et 2 922 disparus/prisonniers. Le 21e CA US, faisant partie de la VIIe armée, a perdu 541 hommes et 3 069 blessés. Par ailleurs dû au froid, 3 887 français et 3 928 américains ont dû être évacués pour cause d’engelures ou accidents. Coté allemand, on estime à 24 199 tués, 39 340 prisonniers/disparus les pertes allemandes.
La poche de Colmar est connue aussi pour un fait d’armes. A Holtzwihr, des soldats américains de la 3e DI US sont pris à partie par des chars allemands soutenus par de l’infanterie. Les deux Sherman en soutien sont mis hors de combat rapidement. Un lieutenant va se démarquer, Audie Leon Murphy. Il n’hésite pas à faire replier ses hommes, à l’aide d’une radio, demande un appui-feu de l’artillerie avec leurs canons de 105 mm.
En attendant l’artillerie, il tira avec sa carabine M1 sur les soldats allemands, avec l’artillerie les chars reculèrent, il monta alors sur l’un des Sherman et tira sur l’infanterie à l’aide du browning cal.50 et ce malgré les risques – le char était en feu-, il tua 50 ennemis avant d’être blessé à la hanche, et sauta avant que le char n’explose. Il survécut mais vit la porte de West Point se fermer devant lui. En effet il avait été admis pour son attitude au feu et ce malgré qu’il est quitté l’école très jeune. Il fit carrière dans le cinéma –western et son propre rôle dans L’enfer des hommes en 1955. Pour son abnégation et son courage, le lieutenant Audie Murphy fut décoré à seulement 19 ans, de la plus haute distinction militaire américaine : la médaille d’honneur du Congrès. Il reçut par ailleurs moult décorations : la Distinguished Service Cross, deux Silver Star, la Legion of Merit, deux Bronze Star, trois Purple Heart, la Good Conduct Medal, l'American Campaign Medal, l'European-African-Middle Eastern Campaign Medal avec neuf étoiles de campagne, la World War II Victory Medal, l'Army of Occupation Medal, l'Armed Forces Reserve Medal et deux Presidential Unit Citation,.
La France récompensa également son service avec le grade de chevalier de la Légion d'Honneur, la Croix de guerre avec étoile d'argent, la Croix de Guerre avec palme d'argent, la médaille de la France libérée et la fourragère aux couleurs de la Croix de Guerre .Murphy obtint par ailleurs la Croix de guerre belge avec palme. Le Department of the Army Outstanding Civilian Service Award, le Texas Legislative Medal of Honor à titre posthume, l’Expert Badge with Bayonet Component Bar, le Marksman Badge with Rifle Component Bar, le Combat Infantryman Badge. Ce qui fait de lui le soldat le plus décoré de la Seconde Guerre Mondiale de l’armée américaine.
Le musée de Turckheim en lui-même est magnifique de part la richesse des moults objets racontant cette période mais aussi par la qualité de présentation de chaque objet. On passe des plus communs aux plus insolites, des grenades, obus au moteur d’un Me 109G, un réservoir largable d’un P47 voire un conteneur à essence allemand avec parachute intégré. Petit par la taille mais grand par sa symbolique, hélas trop peu connu. La bataille de la Poche de Colmar mériterait d’être davantage mentionnée dans les manuels d’histoire.
En espérant que les générations futures n’aient pas à connaître les horreurs et souffrances que nos anciens ont connues.
Les participants à cette sortie étaient : Mme Florence Suzanne présidente de l’amicale des SOR de Kaysersberg et environs ; Mr Florence Bernard trésorier et secrétaire ; Mrs Aimé Tempé, Rodolphe Heyberger, Florence Jefferey, Jean-Pierre Tschaen, ancien malgré-nous, Mr et Mme Weibel ainsi que Mme Florence Evelyne accompagnatrice.
La visite s’est terminé avec un repas permettant aux membres d’échanger leurs impressions et de relater leurs expériences vécues.